Éruption de l’Etna : 5 questions à Patrick Allard, volcanologue au CNRS
Le 2 juin dernier, le volcan Etna est entré en éruption créant un nuage de fumée très dense de plusieurs kilomètres d’altitude et faisant fuir les touristes. Patrick Allard, volcanologue et directeur de recherche au CNRS, nous en dit plus.
L’éruption de l’Etna, le 2 juin 2025, avait-elle un caractère exceptionnel ou s’inscrit-elle dans l’activité classique de ce volcan ?
L’éruption a fait beaucoup parler d’elle car l'écroulement du flanc nord-est du cratère Sud-est de l'Etna a engendré une avalanche de débris volcaniques chauds et froids qui s'est propagée à 140 km/h sur environ 3 km en aval et a produit une nuée dense, rougeâtre, de 5 km de hauteur. C'est un phénomène à risque élevé, probable dans le cas d’une pente raide comme l'est le cratère Sud-est, mais rare et très difficile à prévoir à l'avance. Sans aucun doute, il s'en produira de nouveau lors des prochaines éruptions du cratère Sud-est de l'Etna.
Pour autant, on ne peut pas parler d’éruption exceptionnelle car l’Etna a une activité très soutenue avec 14 éruptions depuis le début de l’année 2025, et une soixantaine sur les deux dernières années.
Comment peut-on prévoir ce type d’éruption ?
L’Etna est un volcan très surveillé, avec des réseaux de capteurs multiples. Les signaux qui permettent d’anticiper des éruptions sont de trois types : les signaux sismiques, en particulier la vibration d’un volcan actif, les déformations du volcan, et une augmentation des émissions de gaz, que l’on peut mesurer soit à distance, depuis le sol, soit via les satellites.
Dans le cas de cette éruption de l’Etna, on a vu augmenter très progressivement mais assez rapidement la vibration sismique du volcan. L’observatoire a immédiatement alerté la protection civile italienne mais également le centre d’observation à Toulouse qui gère les alertes cendres volcaniques émises par les volcans pour le trafic aérien.
Combien de temps a duré cette éruption et peut-on anticiper cette durée ?
L’éruption du 2 juin a duré 4h au total, c’est très pulsé, très puissant mais très bref. L’Etna a connu dans le passé des éruptions longues, avec des coulées de lave qui se déversait du flanc du volcan pendant un an et demi !
On peut anticiper la durée de l’éruption en fonction des déformations du volcan, de la quantité de magma qui vient de la profondeur et qui remonte dans le volcan en le déformant. Cela permet d’avoir un ordre de grandeur de la durée de l’éruption.
Est-ce que les éruptions d’un volcan comme l’Etna permettent d’approfondir nos connaissances des autres volcans et nos capacités de prévision ?
Un volcan très actif comme l’Etna, truffé d’instruments, est un véritable laboratoire naturel. Les enregistrements de l’activité de l’Etna sont utilisés pour améliorer notre connaissance fondamentale du processus éruptif et magmatiques et les appliquer à d’autres volcans, comme le Vésuve par exemple, qui est un volcan « endormi » mais dont les éruptions sont beaucoup plus dangereuses pour la population car il est situé au milieu d’une zone immensément peuplée de la région de Naples et il menace très directement toutes les villes avoisinantes qui sont construites sur ses flancs. Cela représente l’un des plus grands challenges de la protection civile en Europe.
Est-il possible d’avoir une idée de la prochaine éruption d’un volcan « endormi » comme le Vésuve ou est-ce totalement aléatoire ?
La précédente éruption du Vésuve a eu lieu en 1944. Depuis, le volcan se refroidit, il dort. Il provoque parfois des séismes parce qu’il se fracture, mais il ne donne pas de signe de réactivation. On sait que le Vésuve alterne des périodes de grandes pauses, et des périodes d’activité intenses qui peuvent durer plusieurs siècles. On ne peut pas prédire quand il se réveillera mais on est sûr qu’il se réveillera.
En ce qui concerne l’Etna, c’est plus simple. Il est beaucoup plus actif que le Vésuve, donc la probabilité de se tromper sur la venue imminente d’une nouvelle éruption est faible.
A lire, à voir aussi
- L’interview vidéo de Patrick Allard sur la chaine Youtube du CNRS
- L’article « Un câble sous-marin pour étudier la faille au pied de l’Etna » dans CNRS Le Journal
- L’article « Des particules cosmiques pour ausculter les volcans » dans CNRS Le Journal
- L’article « Les volcans éteints peuvent-ils se réveiller ? » sur le site de CNRS Terre & Univers