Trois choses à savoir sur les incendies

Les grands feux dévastateurs font régulièrement la Une de l’actualité, comme ça a été le cas à Los Angeles, en janvier 2025, ou à Marseille en juillet. Mais sont-ils plus fréquents qu’auparavant et comment mieux les combattre et les anticiper ? Jean-Baptiste Filippi, chargé de recherche au CNRS spécialisé en calcul numérique pour la prévision des feux, récapitule trois choses à savoir sur les incendies.

Les journées à très forts risques de feux pourraient doubler d’ici à 2050
On a beaucoup entendu que l’année 2025 affichait un bilan plus élevé que les années précédentes en termes d’incendies. Mais il faut préciser une chose : la moitié des incendies de l’année en France sont liés à ce que l’on appelle du « brûlage dirigé », c’est-à-dire des feux de végétation contrôlés, déclenchés par des éleveurs pour nettoyer leurs terrains. C’est une pratique ancestrale qui a bénéficié de conditions particulièrement favorables cette année, ce qui explique son augmentation. 
En revanche, si l’on base nos observations sur le temps long, on constate qu’il y a plus de vagues de chaleur qu’auparavant, et que ces canicules longues, avec un dessèchement profond sur des périodes de 10 à 15 jours, créent les conditions favorables à de grands feux, comme à Marseille récemment. Ainsi, selon les projections climatiques à long terme, les journées à très forts risques de feux pourraient doubler d’ici à 2050 par rapport aux années 2000. 

Il existe plusieurs manières de se préparer aux incendies 
La première est liée à l’aménagement du territoire : débroussailler devant chez soi, planter certaines essences de haies autour de sa maison, éviter le stockage des bûches contre le mur… Sur la plateforme EXPLORII du laboratoire SPE (Université de Corse/CNRS) portée par Virginie Tihay-Felicelli, nous étudions la vulnérabilité des constructions face à un incendie de végétation : quelle est la distance de sécurité raisonnable, quelles sont les haies et les matériaux résistants au feu, etc. Le but est de préconiser et adapter pour créer une ceinture de résistance au feu autour des habitats.
L’autre manière de se préparer aux incendies, c’est d’étudier les risques météorologiques. Cela nécessite de savoir comment fonctionne la forêt, de déterminer l’état de sécheresse des forêts à partir de mesures satellites, etc. Avec un objectif : anticiper les journées à plus grand risque de feux.

Mieux comprendre le comportement des incendies est un enjeu majeur pour mieux les combattre
Cet été, dans le cadre du projet européen EUBURN, piloté par Météo France et le CNRS, une campagne de mesures inédites sur le terrain a été lancée en France. Le but de cette campagne, coordonnée par Cyrielle Denjean (Centre National des Recherches Météorologiques), est de constituer une base de données scientifiques pour mieux comprendre, surveiller, et anticiper les incendies. 
Dans ce cadre, les calculs numériques sur lesquels je travaille simulent tous les scénarios possibles, en fonction des actions de lutte. Ces simulations permettent de prévoir le comportement de l’incendie et du panache de fumée, ce qui permet déjà d’aider à la planification des vols scientifiques de la campagne, mais aussi à terme seront une aide à la décision des secours sur place : faut-il confiner certains endroits, quel sera le plan de vol des canadairs, etc. 
Les calculs et les différentes données recueillies permettent également d’être plus précis sur les phénomènes météorologiques à venir. Ce qui fait très peur, ce sont les phénomènes météorologiques extrêmes, qui allient sécheresse et vents forts, comme à Los Angeles, ou à Pedrogao, au Portugal, où le feu était pyro-convectif, c’est-à-dire que le feu est tellement chaud qu’il brûle avec la même intensité le jour et la nuit. Les feux les plus dangereux sont ceux pour lesquels il y a le plus d’incertitudes. Avec les différents recueils de données, calculs et simulations, nous cherchons à mieux gérer cette incertitude.

Jean-Baptiste Filippi est chargé de recherche au CNRS, spécialisé en calcul numérique pour la prévision des feux, et affecté au laboratoire des sciences pour l’environnement, à l’Université de Corse Pasquale Paoli.