FranceQCI : vers un réseau national de communication quantique
Pour avancer vers un réseau européen de communication quantique, l’Union européenne soutient le développement de réseaux nationaux. FranceQCI rassemble ainsi treize partenaires qui collaborent afin d’étendre et de relier les réseaux locaux déjà en place, notamment à Paris et à Nice.
À l’instar de notre internet, qui permet aux machines et aux personnes d’échanger de l’information, la diversité à venir des technologies quantiques va s’appuyer sur un internet quantique. L’Union européenne a ainsi inauguré en 2019 son Infrastructure européenne de communication quantique (EuroQCI), dont la branche française a été officialisée au mois d’avril : FranceQCI. L’idée est que chaque pays européen développe son propre embryon de réseau quantique, qu’il fera grandir jusqu’à le relier à celui de ses voisins d’ici 2025.
FranceQCI se présente sous la forme d’un consortium de treize membres sélectionnés par la Commission européenne. Au niveau académique, on compte le CNRS, Sorbonne Université, Télécom Paris et l’Université Côte d’Azur. Thalès, Airbus et Orange sont les principaux partenaires industriels, mais on retrouve aussi à leur côté des start-ups, comme Welinq et Veriqloud. Seul opérateur de télécommunications du projet, Orange coordonne le consortium.
« FranceQCI veut donner une impulsion significative vers une infrastructure européenne de communication quantique, qui sera en mesure de protéger les données sensibles et les communications critiques des entités gouvernementales, des centres de données, des hôpitaux, des réseaux d’énergie, et plus encore, explique Michaël Trabbia, directeur exécutif, CEO d’Orange Wholesale et chief technology and innovation officer du groupe par intérim. Nous nous réjouissons de bénéficier d’un financement de l’Union européenne dans le cadre du programme pour une Europe numérique, afin de contribuer à l’un des principaux piliers de la stratégie de l’UE en matière de cybersécurité. »
En partenariat avec Orange, une équipe de l’Institut de physique de Nice (INPHYNI - CNRS/Université Côte d’Azur) a ainsi mis en place le tout premier réseau opérationnel de communication quantique de France. D’une cinquantaine de kilomètres, il relie trois campus des environs de Nice.
« Nous avons besoin de réseaux fonctionnels et grandeur nature pour voir apparaître les problématiques que nous aurons à résoudre pour concevoir un réseau national, puis européen, explique Olivier Alibart, maître de conférences à l’Université Côte d’Azur et membre de l’INPHYNI. Impossible d’utiliser les réseaux de communication actuels par fibre optique, car les signaux classiques sont réamplifiés tous les deux cents kilomètres afin de compenser leur atténuation naturelle. Or les amplificateurs détruisent les propriétés quantiques. »

La topologie d’un tel réseau quantique est au cœur des réflexions des chercheurs, mais trois grands axes se profilent. Sur courtes distances, par exemple à l’échelle d’une métropole, il s’agira de mettre en place un réseau complémentaire de fibres optiques dédiées aux signaux quantiques. Les réseaux de télécommunications classiques déjà installés n’utilisent en effet pas tous les brins de fibres optiques présents au sein d’une gaine. « À l’échelle d’une ville, on peut facilement allouer quelques brins disponibles pour relier une poignée de lieux clés », souligne Olivier Alibart.
Dès que les distances s’agrandissent, la seconde option consiste à envoyer les signaux quantiques par satellite. Le réseau niçois court justement jusqu’à l’Observatoire de la Côte d’Azur, où des tests sont en cours afin de le relier à ParisQCI, le réseau de l’écosystème quantique parisien. Une partie de ce réseau a déjà été utilisé pour la démonstration du chiffrement d’une vidéo sécurisée par la distribution quantique de clés.
Enfin, des réseaux fibrés avec des répéteurs quantiques pourraient en principe permettre d’étendre les distances jusqu’à des centaines de kilomètres, sans avoir besoin de passer par des satellites. Cet axe est un des enjeux principaux de Welinq.
Issue de travaux menés au laboratoire LIP6 (CNRS/Sorbonne Université) et au Laboratoire Kastler Brossel (LKB, CNRS/Collège de France/ENS-PSL/Sorbonne Université), cette start-up développe des solutions pour interconnecter des dispositifs quantiques à courtes et longues distances pour, à terme, relier entre eux des ordinateurs quantiques afin qu’ils combinent leur puissance de calcul. Welinq est aussi bien en lien avec les fabricants d’ordinateurs quantiques, qu’avec les centres de calcul qui les utilisent. « Tout l’enjeu est de parvenir à propager des signaux quantiques sur des distances de plus en plus grandes », avance Tom Darras, CEO et cofondateur de Welinq.
Là encore, les fibres optiques et les satellites sont vus comme les meilleurs moyens d’établir ces communications sur de nombreux kilomètres. Sur la même longueur d’onde, les membres de FranceQCI appartiennent ainsi à une communauté soudée par sa fascination pour ce nouvel espace de recherche.
« Comme au début d’internet, les scientifiques progressent vite, mais sans pouvoir deviner toutes les applications qui découleront de leurs travaux, conclut Eleni Diamanti, cofondatrice de Welinq et directrice de recherche CNRS au LIP6. Pour l’instant, nous voyons surtout les applications en cybersécurité, ainsi que dans la combinaison de la puissance de plusieurs ordinateurs quantiques. L’interconnexion est en tout cas un élément crucial pour les futurs progrès en informatique quantique. »