Chaire 6G durable : pour des réseaux mobiles répondant aux défis environnementaux
L’université Paris-Saclay, le CNRS, CentraleSupélec et Orange ont dernièrement inauguré une nouvelle chaire de recherche. Son objectif : favoriser l’émergence de réseaux 6G durables et sobres en énergie.
Le mercredi 13 septembre 2023 a vu le lancement de la chaire de recherche « 6G durable », portée par le Laboratoire des Signaux et Systèmes (L2S) – réunissant l’université Paris-Saclay, le CNRS et CentraleSupélec – et Orange. Une collaboration associant des acteurs majeurs de l’univers des télécoms, comme l’explique Salah Eddine El Ayoubi, professeur à CentraleSupélec et titulaire de la chaire : « Au L2S, nous jouissons d’une réputation internationale quant à la conception des réseaux, en particulier 4G et 5G. De son côté, Orange possède l’un des plus grands centres de recherche en télécoms d’Europe et a participé activement à l’élaboration des standards 5G. Nous nous sommes ainsi naturellement rapprochés, afin de contribuer à la définition des réseaux de sixième génération. » Un rapprochement concrétisé par un partenariat d’une durée de cinq ans autour de la 6G, qui se matérialisera principalement par le financement de thèses.
La 6G à l’heure de l’IA distribuée et des enjeux environnementaux
Celle-ci devrait en effet faire ses premiers pas vers 2030, avec, d’ici là, de nouveaux défis à relever. « La 5G visait notamment à intégrer de façon native l’Internet des objets (IoT) », rappelle Salah Eddine El Ayoubi. « Il n’était donc plus seulement question de connecter des humains, mais également des objets communicants. La 6G, elle, doit relever le défi de l’IA, qui devient omniprésente dans nos sociétés. Cette fois, il s’agit ainsi de connecter et de fédérer des intelligences humaines et artificielles. » Particularité de ces IA : elles ne seront pas nécessairement centralisées au sein de serveurs distants, suivant le modèle de cloud computing. Au contraire, le traitement des données et la prise de décisions pourront s’effectuer localement, en particulier pour assurer la confidentialité et la sécurité des informations transmises. On parle alors de fog computing, un type d'infrastructure qui devra être nativement exploité par la 6G.
Mais ce sont surtout des enjeux environnementaux qui s’imposent à la sixième génération de réseaux mobiles. Pour certains, il s’agit de prolongements de réflexions déjà entamées dans le cadre de la 5G. Par exemple, la 6G devra davantage intégrer de sources d’énergie renouvelable, et donc s’adapter à des caractéristiques telles que l’intermittence de la production. De même, la chaire va poursuivre les travaux amorcés en 5G quant à la mise en veille intelligente des stations de base du réseau, afin de réduire la consommation d’énergie lorsque le trafic est faible.
Communications sémantiques et Internet tactile
Cependant, la 6G s’inscrit également dans un nouveau paradigme. « En 5G, l’un des enjeux majeurs était de maximiser l’efficacité énergétique des réseaux, c’est-à-dire la quantité de bits envoyés pour une consommation donnée », indique le titulaire de la chaire. « En 6G, nous explorons un nouveau défi. Il s’agit désormais, à chaque échange de données, d’atteindre un objectif, relatif à une application, sous une contrainte stricte de consommation d’énergie. » Des travaux de recherche seront ainsi consacrés à de nouvelles méthodes d’ingénierie des systèmes, de sorte à optimiser les performances applicatives des réseaux, tout en respectant une limite de consommation.
De plus, les chercheurs entendent explorer les possibilités offertes par les « communications sémantiques ». « Traditionnellement, le réseau est considéré comme un tuyau reliant un émetteur à un récepteur et mis à disposition par un opérateur, qui ne sait pas exactement quel type de données est transmis, ni dans quel but », schématise Salah Eddine El Ayoubi. « Avec les communications sémantiques, le réseau est partie prenante de la couche applicative et connaît l’objectif de la communication. Il peut alors faire en sorte d’optimiser le volume de données transmis, permettant d’atteindre le but recherché. » Une approche qui pourrait limiter la consommation énergétique d’applications telles que les véhicules autonomes ou le contrôle à distance de machines industrielles.
Cette quête de sobriété ne s’oppose toutefois pas à l’innovation. La 6G pourrait en effet favoriser l’apparition de l’Internet tactile, qui promet de transmettre, en plus de l’audio et de la vidéo, un retour haptique aux utilisateurs. Une technologie qui nécessite un haut niveau de performance, en particulier une faible latence, pour des applications industrielles ou médicales. Dans le cadre de la chaire 6G durable, les chercheurs viseront ainsi à concilier cette exigence avec l’impératif de sobriété énergétique et plus généralement de durabilité environnementale.