Décryptage : pourquoi le niveau des filles en mathématiques baisse-t-il dès le CP ?

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À l’entrée au CP, filles et garçons ont en moyenne le même niveau en mathématiques. Pourtant, dès les premiers mois de l’école élémentaire, un écart se creuse en faveur des garçons. Pourquoi cet écart apparaît-il si tôt et quels facteurs peuvent l’expliquer ? Le point avec Thomas Breda, chercheur CNRS en économie du travail à Paris Jourdan Sciences Économiques.

Quels constats dressez-vous dans l’étude publiée récemment dans Nature ? 
Nous avons pu observer 800 000 élèves par an pendant 4 ans, à trois périodes distinctes : au début du CP, au milieu du CP et au début du CE1. Alors que, à la première évaluation mathématique en CP, les filles et les garçons ont un niveau comparable en mathématiques, on constate très rapidement, dès la deuxième évaluation, que les filles commencent à décrocher en mathématiques et que leur niveau moyen baisse par rapport aux garçons. De plus, cette baisse s’opère surtout parmi les meilleures élèves : il n’y a plus que 25% de filles au début du CE1 parmi les meilleures élèves en math. 

Vous constatez également que cet écart de niveau en mathématique se retrouve partout…
Ce phénomène de décrochage des filles entre le début du CP et le début du CE1 en mathématiques, est le même partout : qu’elles viennent de milieu favorisé ou non, dans toutes les écoles (laïques, religieuses, privées, publiques, à pédagogie alternative ou non), en ZEP ou hors ZEP, et dans tous les départements de France. C’est un phénomène très uniforme. 

Quelles sont les explications possibles ? 
Nous pouvons avancer plusieurs hypothèses mais pas d’explication unique à ce phénomène. 
Le fait qu’il n’y ait pas d’écart entre les filles et les garçons au début du CP va pencher pour des explications culturelles : la manière dont les stéréotypes et les normes de genre sont intériorisées et véhiculées par les parents ou par les professeurs au moment de l’école primaire. Il est également possible d’écarter un effet d’âge puisqu’on observe des enfants à différents moments de la scolarité. 
Et le fait de voir ce phénomène partout suggère que l’explication est très uniforme, globale : dès qu’on a une formalisation de ce que sont les maths, on va aussi avoir possiblement une intériorisation de tous les stéréotypes liés aux maths (très masculins). Ce qui peut expliquer un désengagement des filles des mathématiques.

Quelles sont les conséquences de ces écarts de niveau en mathématiques entre les filles et les garçons ? 
On sait que ces différences de niveau en mathématiques vont générer des intérêts scolaires et des choix d’orientation différents entre les filles et des garçons et in fine vont contribuer assez fortement aux inégalités entre les hommes et les femmes au travail. C’est très important de pouvoir retracer le moment où apparaissent ces premiers écarts et de réfléchir ensuite à comment les endiguer, afin de limiter plus tard des choix d’orientation liés aux normes de genre.

Quels sont les leviers d’action possibles ?
Il y en a plusieurs. Par exemple, il est possible de réfléchir à la manière dont on enseigne les mathématiques, peut-être de manière moins formelle, plus ludique, en essayant de ne pas véhiculer un ensemble de non-dits. C’est une piste.
On peut également imaginer former enseignants et parents afin de lutter contre les biais cognitifs. Des campagnes d’information très simples peuvent s’avérer très efficaces. 

Rentrée en CP : le début des inégalités en maths

À l’entrée au CP, filles et garçons ont en moyenne le même niveau en mathématiques. Pourtant, dès les premiers mois de l’école élémentaire, un écart se creuse progressivement en faveur des garçons. Pourquoi cet écart apparaît-il si tôt et quels facteurs peuvent l’expliquer ?

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