Prospections géophysiques en cours en Arabie Saoudite, photo Th. Creissen © GEO-HERITAGE

La géophysique au service de la préservation du patrimoine

Innovation

Développer et adapter des outils de géophysique pour l’archéologie préventive, c’est l’objectif du laboratoire commun Geo-Heritage qui réunit le laboratoire Archéorient et la PME Éveha International. À l’occasion du renouvellement de leur partenariat, zoom sur les résultats obtenus et leurs ambitions de demain.

Des vestiges des civilisations passées dorment parfois depuis des millénaires sous nos pieds avant de refaire surface suite à des projets d’aménagement. Pour préserver ce patrimoine, 2 200 diagnostics et 450 fouilles préventives sont réalisés en moyenne chaque année en France. Dans ce contexte, la géophysique a beaucoup à apporter à l’archéologie préventive. Sa capacité à cartographier les propriétés physiques du sol de manière non destructrice permettent de détecter des structures archéologiques et des traces d’anthropisation du sol.

C’est dans cette perspective que le géophysicien Christophe Benech a décidé de créer le LabCom Geo-Heritage, co-piloté par le laboratoire Archéorient (CNRS/Université Lumière Lyon 2) et l’entreprise Éveha International. « Nous cherchions un partenaire présent comme nous à l’international pour répondre à notre ambition de tester les outils en France, avant de les mettre en usage sur nos terrains respectifs à l’étranger », précise le chercheur et co-porteur du laboratoire commun. Pour la PME, ce partenariat est l’occasion de développer de nouvelles compétences : « Nous ne faisions pas de géophysique, mais j’avais constaté qu’il s’agissait d’une compétence souvent requise lors d’appels à projet », se souvient Thomas Creissen, porteur du projet pour Éveha International. Au lancement, l’entreprise recrute alors un géophysicien, puis deux autres personnes afin d’assurer des développements logiciels et les expérimentations de terrain.

Des premiers résultats prometteurs


Geo-Heritage vise à adapter des outils géophysiques à différents contextes archéologiques et environnementaux. Parmi les premiers succès du laboratoire commun, figure un système de positionnement à bas coût d’une centaine d’euros contre 15 000 € habituellement. « L’outil est en cours de perfectionnement, de sorte que dans des milieux masqués où la connexion entre le GPS et le satellite n’est pas possible - un phénomène fréquent sur le terrain - un système de centrale inertielle continuera de positionner l’appareil », explique Christophe Benech. Des logiciels libres de traitement des données géophysiques en archéologie ont également été développés.

Par ailleurs, si la prospection du sous-sol d’un site est courante, celle des murs peut paraître plus surprenante. Pourtant, l’équipe de Geo-Heritage applique des outils de géophysique pour retracer l’histoire d’un bâtiment. Ces derniers apportent une image complète des pierres, mettent en évidence des fenêtres bouchées et des phases de construction, par exemple. « Il s’agit d’une application nouvelle et nous étudions comment la géophysique peut aider à aller plus loin dans les démarches traditionnelles d’archéologie du bâti », ajoute le chercheur.

Test de prospection sismique par ondes de surface pour la détection de galeries sur le site de Saint-Romain-en-Gal
© C. Benech

Laboratoire commun 2.0 : entre continuité et nouvelles ambitions


Initialement financé par le programme LabCom de l’ANR, le partenariat a été renouvelé sur fonds propres jusqu’en 2026. L’objectif est double : renforcer la R&D en géophysique, mais aussi explorer de nouveaux chantiers communs, comme les sites partiellement immergés, à l’interface entre les milieux subaquatiques et terrestres. Les futurs travaux tenteront ainsi d’identifier les outils les plus adaptés aux faibles profondeurs. 

D’autres projets en géomorphologie seront dédiés à des études paléoenvironnementales. Ces analyses servent notamment à reconstituer des paysages et des reliefs passés qui, une fois mis en relation avec les vestiges archéologiques, permettent d’appréhender les liens entre les sociétés et leurs environnements. « Notre objectif est d’apporter des preuves supplémentaires des atouts de ces technologies grâce au LabCom et ainsi faire évoluer les pratiques de notre secteur », déclare/affirme Thomas Creissen.

Une vision à plus long terme


Les porteurs de Geo-Heritage voient encore plus loin. Un prochain axe portera sur l’intégration automatique et le croisement des données archéologiques, géophysiques et environnementales dans des systèmes d’informations géographiques (SIG). Cet axe capitaliserait sur l’expertise des chercheurs combinée aux données acquises par Éveha International.

L’entreprise mise également sur de futurs mouvements dans le paysage archéologique afin de se positionner sur de nouveaux marchés. « De nombreux pays de la péninsule Arabique investissent de plus en plus pour promouvoir leur patrimoine archéologique, délimiter des périmètres à protéger, etc. La géophysique est un excellent outil pour cela. Ces marchés potentiels nous permettront de rentabiliser les développements du LabCom à l’étranger », conclut Thomas Creissen.