Avec PISE, la recherche se met au service de l’intérêt général
Avec le programme PISE, le CNRS sort des sentiers battus de la valorisation. Pour la première fois, le fleuron national soutient des Projets à Impact Sociétal et Environnemental , sans logique marchande. À la clé : un accompagnement sur-mesure, une reconnaissance nouvelle pour les chercheurs, et une transformation concrète des territoires.
Lancé en 2024, le programme PISE - Projets à Impacts Sociétaux et Environnementaux - incarne une volonté claire : combler un « angle mort » de la valorisation scientifique.
« La prématuration finance déjà le passage de la recherche fondamentale vers un premier transfert technologique. Mais jusqu’alors, on oubliait toute une part de nos activités sans visée marchande directe », rappelle Corinne Monnier, animatrice du programme du CNRS. Enthousiaste, Corinne Monnier admet : « Le CNRS le faisait déjà, mais comme “M. Jourdain” . PISE l’assume enfin comme un programme à part entière ». Voilà qui est posé.
Un jury qui croise les cultures
Contrairement à un appel à projet classique, le programme PISE fonctionne par appel à manifestation d’intérêt (AMI), pour accueillir des initiatives parfois encore peu structurées mais prometteuses. L’AMI permet aux équipes de proposer des sujets moins finalisés et d’être accompagnées pour reformuler, identifier de nouveaux partenaires ou simplifier leur dossier. Le double jury a joué un rôle clé : une première sélection interne, puis un jury ouvert. « Ce qui est stimulant, c’est de croiser nos esprits avec des experts extérieurs au CNRS, qui nous bousculent », se réjouit Corinne Monnier. Le jury ouvert a réuni associations, fondations, représentants territoriaux, organisations internationales ou encore et la Caisse des Dépôts et Consignations. Cette pluralité d’acteurs permet d’anticiper les écueils, de repérer des manques, et d’enrichir chaque projet.
Christian Ponsolle, président de la Fondation MAIF pour la Recherche, choisi comme l’un des membres du jury, confirme : « L’apport extérieur a été intéressant. Je me souviens de discussions très franches avec la représentante de l’UNESCO ou celles des collectivités. Chacun des projets avait ses priorités. Nous avons poussé les chercheurs à en préciser les impacts ». Spécialiste des questions d’éducation, il ajoute : « Nous avons tenu deux demi-journées de délibération. L’esprit était convivial, ouvert. A renouveler l’an prochain »
S’assurer que l’impact sera mesurable
La mesure d’impact a cristallisé les débats. « Nous avons reçu 55 dossiers, nous en attendions 20… Cela prouve qu’il existe une envie de nos équipes », note Corinne Monnier. Et de préciser : « tout le défi, c’est de vérifier : est-ce faisable ? Est-ce réaliste ? Qui sera là pour tester ? »
La question de l’impact est dans l’ADN de la Fondation MAIF, Christian Ponsolle insiste donc sur ce critère : « Nous exigeons que les recherches que nous soutenons se traduisent en actes concrets. Nous l’avons fait pour les casques moto, on le fait pour les batteries… Je retrouve ce même souci dans PISE : il importe d’être utile, et non juste de publier. »
Lauréats : des exemples concrets
Le 1er juillet dernier, les cinq lauréats ont été célébrés au MAIF Social Club, lieu symbole d’innovation partagée. Parmi eux, notamment : un projet pour aider les enfants autistes à comprendre les implicites du langage ; un outil numérique pour faciliter la prise de notes des élèves en situation de handicap ; une démarche de prévention pour prédire les feux de forêt, et 2 projets basés sur l’implication des citoyens et des collectivités, l’un dans les choix d’usage / partage de l’eau et l’autre dans la gestion du retrait du trait de côte.
« En 2024 on a touché à la fois aux risques naturels et aux inégalités éducatives », se félicite Corinne Monnier. Et d’ajouter : « C’est la preuve que PISE fait remonter toutes les thématiques du CNRS, et non seulement les sciences dites dures et que les chercheurs sont demandeurs de soutien pour ce type d’activité. »
Le CNRS comme sésame
« Je le constate : être sélectionné par le CNRS, ça change tout. Un des porteurs m’a dit : ‘’Des gens qui ne me prenaient pas au sérieux acceptent maintenant mes rendez-vous’’ », sourit Corinne Monnier. Christian Ponsolle compare la démarche du programme PISE à celle du Fonds MAIF pour l’Education : « Quand une association décroche notre prix, ça ouvre des portes. Avec PISE, c’est pareil : ce label donne du poids, crédibilise le chercheur. Il devient visible pour des collectivités, des rectorats, des financeurs. »
S’inscrire dans le temps long
Tester un outil éducatif, accompagner une cohorte d’enfants, modéliser l’érosion du littoral : rien ne se fait en quelques mois. « Nous finançons des accompagnements sur 12 à 36 mois. Il faut accepter de prendre le temps », souligne Corinne Monnier. L’accompagnement peut inclure du temps de développement, du matériel, des déplacements sur le terrain pour rencontrer des acteurs et même de la sous-traitance si nécessaire.
Christian Ponsolle conclut : « L’impact social, c’est l’effet des actions pour le bien-être de la population. Si on n’a pas le temps de tester, on risque de passer à côté. »
Pour 2025, un seul thème sera retenu. « L’idée, c’est de pousser encore plus les synergies entre disciplines », glisse Corinne Monnier. « Sortir du cadre, faire se rencontrer un mathématicien, un hydrogéologue et un chercheur en Sciences Humaines et Sociales… C’est ainsi que la recherche révèle sa puissance ». Et pour Christian Ponsolle, la clé reste la même : « Ce que j’espère pour la suite, c’est un jury stable et toujours sympathique, un écosystème solide, et la même envie de regarder plus loin que le labo ».
5 projets, 5 réponses scientifiques aux défis de notre époque
- Trajectoire Eau et Territoire : un outil participatif pour comprendre les enjeux de l’eau à l’échelle des bassins versants, en collaboration avec l’association Water Family.
Laurent Longuevergne (Geosciences Rennes – CNRS / Université de Rennes)
Véronique Van Tilbeurgh (Espaces et Sociétés - CNRS / Institut Agro / Le Mans Université / Nantes Université / Université Angers / Université Caen Normandie / Université Rennes 2)
- OSIRISC – Littoral & Résilience : un observatoire collaboratif de gestion des risques côtiers, déjà actif en Bretagne, qui vise un déploiement national.
Nicolas Le Dantec (Laboratoire Geo-Ocean (CNRS / Université de Bretagne Occidentale / Ifremer)
- ECOFEU – Prévention des feux de forêts : un projet interdisciplinaire pour modéliser les combustibles forestiers et anticiper les risques d’incendies.
Mélanie Rochoux (Climat, Environnement, Couplages et Incertitudes – CNRS / CERFACS)
Marie Parrens (Centre d'études spatiales de la biosphère - CNRS / CNES / IRD / Université de Toulouse)
Patrick Le Moigne (Centre national de recherches météorologiques – Météo-France / CNRS)
- HandiMathKey : un outil numérique inclusif pour permettre aux élèves en situation de handicap de saisir des formules mathématiques.
Philippe Truillet (Institut de Recherche en Informatique de Toulouse - CNRS / Université Toulouse / Toulouse INP)
- Jacques a dit – Autisme & Implicite : un jeu pédagogique pour entraîner à la compréhension des implicites, enrichi par des analyses électroencéphalogramme.
Béatrice Godart-Wendling (Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne - CNRS / Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Frederic Isel (Modèles, Dynamiques, Corpus - CNRS / Université Paris Nanterre)