Des supercalculateurs au service des chercheurs et des entreprises
GENCI (Grand Équipement National de Calcul Intensif) est une infrastructure de recherche française établie depuis 2007, portée par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le CNRS, le CEA, France Universités et Inria. Son objectif : mettre à disposition gratuitement d’énormes ressources de calcul auprès de chercheurs académiques ou d’entreprises, par exemple à des fins de simulation numérique ou de développement de modèles d’IA. Stéphane Requena, directeur technique innovation de GENCI, revient sur les conditions et les modalités d’attribution de ces moyens, sans cesse améliorés.
Quelles sont les missions de GENCI ?
Stéphane Requena : Le but principal de GENCI est de favoriser le recours au calcul intensif, ou calcul haute performance, par les chercheurs et les entreprises, à l’échelle française et européenne. Cela passe donc, bien sûr, par l’acquisition, l’installation et la gestion opérationnelle des ressources nécessaires, à savoir des supercalculateurs et les moyens de stockage associés. Ces équipements sont hébergés au sein de trois centres : à l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (IDRIS, CNRS), au Très Grand Centre de Calcul (TGCC, CEA) et au Centre Informatique National de l’Enseignement Supérieur (CINES, ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche).
Cependant, nous ne nous contentons pas de mettre à disposition des ressources de calcul. Nous proposons également un accompagnement, grâce aux équipes de support technique présentes dans chaque centre, afin de former les utilisateurs et les aider à installer leurs modèles ou leurs programmes, à les lancer, à les optimiser, voire à résoudre des problèmes. Cet accompagnement représente une valeur ajoutée fondamentale, dans la mesure où les supercalculateurs ne sont pas forcément faciles à prendre en main de prime abord.
Par ailleurs, pour démocratiser l’utilisation du calcul intensif, nous réalisons des actions de promotion de la simulation numérique et de l’IA auprès de communautés académiques et industrielles. Et nous contribuons fortement à l’écosystème français et européen de l’IA, notamment en portant le projet AI Factory France, qui vise, en fédérant une large communauté d’experts, à renforcer la position de la France et de l’Europe dans ce domaine.
Enfin, GENCI assure l’allocation des moyens de calcul aux demandeurs, via deux procédés de sélection. Il est premièrement possible de solliciter un accès à tout moment, sur la plateforme eDARI. Nous accordons dès lors une utilisation limitée, mais idéale pour faire ses premiers pas sur les supercalculateurs. Et en cas de besoin supérieur en ressources de calcul, il faut répondre à un des deux appels à projets annuels, les demandes étant ensuite étudiées par un collège indépendant constitué d’une centaine d’experts.
Quels acteurs peuvent demander un accès à ces supercalculateurs et pour quelles applications ?
S. R. : Statutairement, nous sommes ouverts à tous les acteurs de la recherche académique et industrielle, donc il peut s’agir aussi bien de laboratoires publics que d’entreprises. Et dans tous les cas, l’accès aux ressources de calcul est gratuit. Néanmoins, pour y prétendre, il est obligatoire de s’engager à publier les résultats obtenus, dans une logique de recherche ouverte. C’est la seule condition imposée, aux chercheurs comme aux entreprises.
Nous recevons toutefois beaucoup de demandes lors de nos appels à projets et ce nombre ne fait que croître. La sélection, par le collège d’experts, s’effectue alors selon des critères d’excellence scientifique. Mais nous faisons notre maximum pour répondre favorablement au plus grand nombre.
Le périmètre des applications couvertes par nos supercalculateurs s’est aussi largement étendu avec le temps. Aux débuts de GENCI, seules quelques industries spécifiques, comme l’énergie ou l’automobile, s’intéressaient véritablement à nos ressources. Mais ces dernières années, avec l’avènement de l’IA, les besoins ont explosé et, dorénavant, rares sont les secteurs à ne pas avoir besoin de calcul intensif. Aujourd’hui, nous avons des utilisateurs dans les domaines de la santé, des matériaux, de l’automobile, de la grande distribution, de l’art, du jeu vidéo, du légal, de l’assurance, de la défense…
Ainsi, depuis 2019, près de 150 entreprises ont eu recours au supercalculateur Jean Zay de l’IDRIS, un chiffre unique en Europe. Parmi elles, on peut citer Valeo, qui a mené une trentaine de projets autour du développement de la voiture autonome, ou Inclusive Brains, une start-up qui utilise l’IA pour concevoir des interfaces neuronales à destination des personnes en situation de handicap. De même, le supercalculateur Jean Zay a été utilisé dans le cadre du projet BigScience, afin de mettre au point BLOOM, qui était alors le premier grand modèle de langue (LLM) multilingue open source.

Quelles sont les dernières évolutions proposées par GENCI ?
S. R. : Nous avons tout récemment inauguré la nouvelle version du supercalculateur Jean Zay de l’IDRIS. Il s’agit déjà de sa quatrième extension en cinq ans, un rythme bien plus soutenu que d’ordinaire. Et pour cause : en 2019, ce supercalculateur faisait l’objet de 72 demandes de projet, un nombre qui est passé en 2024 à… 1 400 ! Il fallait donc répondre à cette croissance considérable, ce qui permettait, de surcroît, de bénéficier de technologies de pointe, en particulier des derniers GPU de Nvidia. Avec sa nouvelle configuration, Jean Zay 4 offre une multiplication par 4 de la capacité de calcul en simulation numérique et par 13 de celle en IA.
Il répond aussi à des critères d’écoresponsabilité, puisqu’il dispose d’un système innovant de refroidissement à eau chaude. De plus, la chaleur résiduelle générée, habituellement évacuée par le toit, est ici captée et utilisée pour chauffer plus de 1 500 foyers sur le plateau de Saclay. Un fonctionnement vertueux que l’on doit à un partenariat entre le CNRS et l’Établissement public d'aménagement Paris-Saclay.
Nous entendons également faire évoluer prochainement nos autres dispositifs de calcul. Par exemple, le supercalculateur Joliot-Curie, situé au TGCC, sera remplacé en fin d’année 2026 par un équipement « exascale », c’est-à-dire environ dix fois plus puissant que Jean Zay 4. Et nous préparons déjà l’avenir avec l’arrivée prochaine de premières machines quantiques, qui viendront compléter les supercalculateurs classiques de notre parc.
Pour en savoir plus
- Communiqué de presse : Supercalculateur Jean Zay : la France multiplie par 4 les ressources scientifiques en IA
- Vidéo de l’inauguration : Inauguration du supercalculateur Jean Zay 4