Deux partenariats public-privé tournés vers l’avenir des batteries électriques
L’industriel français Blue Solutions - leader mondial des batteries tout-solide - renforce son partenariat avec le CNRS en créant deux laboratoires communs. L’objectif : lever les verrous scientifiques et techniques qui lui permettront de développer une nouvelle génération de batteries et de conquérir le marché des véhicules électriques d’ici 2028.
2035 marquera la fin de la commercialisation des voitures neuves à moteur thermique au sein de l’Union européenne. Cette annonce va de pair avec des législations fortes sur le recyclage, une volonté de réindustrialiser le vieux continent à des fins de souveraineté et de replacer les mesures environnementales au cœur des importantes transitions à venir. En conséquence, le marché de l’électrification du parc automobile prend de l’ampleur et la société est prête à investir dans ces nouveaux véhicules.
Vers une nouvelle génération de batteries
Le marché des batteries est actuellement dominé par la technologie lithium-ion. Cette dernière, commence néanmoins à présenter des faiblesses en termes d’autonomie, de sécurité, de temps de charge ou encore de stabilité avec le vieillissement. Les industriels l’ont bien compris : l’avenir de la batterie reposera sur une nouvelle génération plus sure, moins chère, présentant une plus grande densité d’énergie et qui se rechargera plus vite. En tête des solutions prometteuses : les batteries tout-solide1
, une technologie polymère couplée à une électrode de lithium métallique2
. Cette technologie est le cœur de métier de Blue Solutions - leader mondial du dispositif lithium-métal- polymère qui lui doit sa marque déposée LMP©. L’industriel français développe depuis 25 ans des batteries tout-solide qui équipent des bus et des installations stationnaires.
Désormais, l’entreprise souhaite conquérir le marché du véhicule de tourisme. Pour cela, Blue Solutions a plusieurs atouts dans sa manche : son expertise des électrolytes solides, sa maîtrise des technologies lithium-métal, son procédé sans solvant qui est moins cher et moins polluant et le savoir-faire de ses partenaires académiques historiques. L’industriel développe donc sa « Gen4 » - une batterie fonctionnant à température ambiante et répondant aux enjeux de l’adoption à grande échelle du véhicule électrique (grande autonomie à meilleur coût, temps de charge ultra-rapide, recyclage facilité). « Nos défis sont d’abaisser la température de fonctionnement (80°C actuellement), et de concevoir un produit durable et qui répond aux besoins du marché automobile. Pour cela nous allons notamment identifier de nouvelles matières actives pour nos électrodes. En ce sens, nous avons construit un écosystème public-privé unique dans le domaine des batteries et nous sommes ravis de le voir aujourd’hui 100% opérationnel », résume Marc Deschamps, directeur du pôle électrochimie de Blue Solutions.

Une dynamique partenariale renforcée
Blue Solutions renforce ses partenariats avec le CNRS avec la création pour une durée de cinq ans de deux laboratoires communs impliquant aussi Grenoble INP, l’Université Grenoble Alpes et Nantes Université. Leur mission : contribuer à l’élaboration d’un nouveau produit avant la fin de la décennie. Ces contrats offrent à l’industriel l’exclusivité de l’exploitation des résultats, tout en préservant les missions de diffusion des connaissances côté laboratoire. « Nous croyons en la force d’un écosystème d’innovation pour avancer vite et mieux vers des solutions cohérentes pour nos clients. Le monde académique apporte une vision scientifique internationale des solutions qui peuvent nous intéresser et nous apporter des ruptures technologiques. Nous comptons beaucoup sur ces laboratoires communs pour accroître notre compétitivité », précise Marc Deschamps.
Le premier laboratoire commun – intitulé Li2 – réunit ainsi l’entreprise et son partenaire de plus de 20 ans : le Laboratoire d'électrochimie et de physicochimie des matériaux et des interfaces (LEPMI, CNRS/Université Grenoble Alpes/Université Savoie Mont-Blanc). Sa mission : optimiser l’électrode de lithium métallique et mieux comprendre les phénomènes aux interfaces. Ces travaux viseront, entre autres, à minimiser la quantité de lithium, à réduire la température de fonctionnement ou encore à modéliser les systèmes pour comprendre les phénomènes qui se produisent à l’échelle microscopique. Neuf nouvelles recrues viennent ainsi compléter l’équipe de sept personnels académiques du LEPMI pour atteindre ces objectifs. Sous l’impulsion de Grenoble INP, l’équipe bénéficie également de ses propres locaux. « Cette structure nous permettra de tester nos résultats les plus intéressants avec les moyens à grande échelle de Blue Solutions et donc d’accélérer fortement les délais entre la découverte, le progrès et l’application industrielle », s’enthousiasme Renaud Bouchet, électrochimiste au LEPMI et directeur de Li2.
Le deuxième laboratoire commun réunit l’entreprise bretonne et l’Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel (IMN, CNRS/Nantes Université). Il s’appuie sur 25 années de collaboration autour de chaque génération de batteries commercialisées par l’industriel. Ce partenariat vise à mieux comprendre les mécanismes de défaillance des batteries et proposera les solutions adéquates via la synthèse de nouveaux matériaux. Quatre postes ont été créés par Blue Solutions pour renforcer l’équipe nantaise. Équipe qui bénéficie également d’un atout majeur : l’accès au microscope électronique à transmission Nant’Themis. Cet instrument de pointe, unique en France, servira à la caractérisation poussée de toutes les composantes de la « Gen4 ». « Cette nouvelle collaboration va nous permettre d’apporter notre expertise à des problématiques plus en aval qu’habituellement. C’est à la fois un gage de reconnaissance et de confiance de la part de notre partenaire historique Blue Solutions », témoigne Philippe Poizot, électrochimiste à l’IMN et coresponsable du second laboratoire commun.
De grandes ambitions à l’horizon 2028
Afin de répondre à la demande des constructeurs automobiles, l’ambition de Blue Solutions est grande : « Nous voulons mettre en place une ligne pilote dès 2026 et une production de type giga-factory - une usine de fabrication de batterie à grande échelle - d’ici 2028 », précise Marc Deschamps. Les laboratoires communs sont donc au cœur de cet enjeu. Ils accélèrent l’industrialisation des résultats de recherche et s’inscrivent en soutien d’une industrie automobile en pleine transformation.
- 1Les batteries tout-solide désignent un type d'accumulateur électrique dans lequel l'électrolyte, placé entre l'anode et la cathode, est solide et sous forme d’une matrice inorganique et/ou polymère plutôt que liquide.
- 2Technologie initialement conçue dans sa variante « polymère » par le chercheur français Michel Armand dès la fin des années 1970.