ECCOCAPS, un laboratoire commun pour réduire l’empreinte environnementale de la microencapsulation
Associant l’expertise académique de l’Institut des molécules et matériaux du Mans (IMMM – CNRS/Le Mans Université) et l’expérience industrielle de la société Capsulæ, le laboratoire commun vise à co-développer des technologies et produits disruptifs dans le domaine de la microencapsulation.
Un marché en pleine mutation
« La microencapsulation est une technologie puissante, utilisée par tous les secteurs de l’industrie », introduit Arnaud Picot, responsable des partenariats chez Capsulæ. « Elle combine quatre objectifs : immobiliser un principe actif, le protéger dans sa mise en œuvre, le libérer à un endroit précis selon un timing défini, et soutenir sa structuration/fonctionnalisation - par exemple, convertir un liquide en poudre, masquer une odeur, ou rendre un produit plus visuel ». Concrètement, la microencapsulation se retrouve dans des domaines aussi variés que les détergents, la cosmétique, les produits phytosanitaires, la pharmaceutique, l’agroalimentaire…
La microencapsulation est un procédé qui permet de piéger un principe actif (liquide ou solide) dans des microparticules, généralement constituées d’une matrice polymère. Du fait de leur taille et de leur structure, elles peuvent être considérées comme des microplastiques ajoutés intentionnellement aux produits. Or ces microplastiques ne sont pas biodégradables, et il s’agit d’une source de pollution que la Commission européenne entend réduire : en 2023 a été votée une résolution visant à bannir les microplastiques des produits industriels après une période transitionnelle de 5 à 8 ans (pour les microcapsules à libération contrôlée). Les acteurs concernés doivent donc trouver des solutions alternatives associant respect de l’environnement et efficacité des formulations.
Capsulæ et l’IMMM, un partenariat pérenne
La société Capsulæ mène des recherches en ce sens depuis près de dix ans afin d’accompagner ses clients, notamment sur les marchés des produits d’entretien, des produits de soins et d’hygiène, et de la nutrition animale. Le premier contact entre Gisèle Ongmayeb, alors directrice scientifique de Capsulæ, et Laurent Fontaine, enseignant-chercheur en chimie à Le Mans Université au sein de l’Institut des molécules et matériaux du Mans et responsable scientifique du laboratoire commun, a eu lieu lors d’une convention d’affaires visant à faire se rencontrer start-up, industriels et chercheurs.
Cette rencontre a conduit à une série de discussions, les deux structures partageant le même intérêt pour des technologies de pointe. La coopération a d’abord pris la forme d’une thèse CIFRE entre 2019 et 2022, qui a abouti au dépôt d’un brevet. Puis, un contrat de collaboration complémentaire en 2023-2024 a permis d’affiner les recherches et la feuille de route scientifique qui ont été présentées pour l’appel à projets LabCom de l’Agence nationale de la recherche.
Lauréat, ECCOCAPS (pour « ECo-COnception de CAPSules innovantes ») est financé par l’ANR à hauteur de 363 000 euros pour une durée de 54 mois. Il bénéficie également du soutien de la Région Pays de la Loire avec une subvention de 50 000 €.

« Nous souhaitons développer des processus chimiques moins impactants pour l’environnement dans tous les aspects : produit de base, mise en œuvre, et fin du cycle de vie », précise Laurent Fontaine. Des thématiques de recherche qui englobent un vaste champ d’applications, à l’image des produits et services que Capsulæ développe pour ses clients. « L’entreprise est spécialisée dans un large panel de technologies : on peut donc piocher la ou les bonnes options, qu’il s’agisse par exemple d’émulsion, d’enrobage, de dripping… », indique Arnaud Picot. L’IMMM met aussi à disposition du laboratoire commun ses plateformes techniques et instrumentales dédiées à la synthèse et à la caractérisation des matériaux.
Mais plus que l’équipement de pointe, c’est bien le savoir-faire humain qui motive la collaboration. Arnaud Picot salue le haut niveau de compétences de l’équipe de l’IMMM, dont « les membres sont des experts mondiaux dans leurs champs d’intervention ». Un des objectifs d’ECCOCAPS est par ailleurs de continuer à former des jeunes chercheurs qui peuvent ensuite intégrer l’entreprise, et de contribuer à l’éducation des futurs techniciens supérieurs au Mans.
« Boucler la boucle » des problématiques industrielles aux questions scientifiques
« Ce qui nous intéresse dans les relations avec les acteurs socio-économiques, en tant que chercheurs, c’est de formuler en termes scientifiques les problématiques industrielles », considère Laurent Fontaine. Il ajoute : « Je pense qu’à partir d’une technique développée sur plusieurs années, on peut certes répondre à un défi industriel, mais aussi nourrir notre questionnement scientifique. On boucle la boucle. »
Un point de vue partagé par Arnaud Picot, pour qui la collaboration avec le monde académique est une évidence – Capsulæ étant à l’origine une spin-off d’un laboratoire d’ONIRIS, l’Ecole nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l'alimentation de Nantes-Atlantique : « Quand nous travaillons sur une technologie, nous n’avons pas nécessairement toujours le temps d’étudier dans le détail pourquoi elle fonctionne, ou pourquoi elle échoue. S’y pencher avec des chercheurs permet de faire avancer notre compréhension des processus, et de répondre à des questions plus larges que les axes de recherche initialement définis. »
Les deux partenaires n’oublient pas non plus le contexte sociétal dans lequel s’inscrivent leurs travaux : l’enjeu de développer des technologies les plus respectueuses de l’environnement possible, dans un cadre règlementaire contraignant. Arnaud Picot précise cependant que « les industriels s’adaptent aussi à la demande générale des consommateurs, qui sont de plus en plus regardants sur la composition des produits. »
« Nous sommes concernés par ce sujet en tant que consommateurs et citoyens, et nous sommes bien placés pour répondre à cette problématique en tant que chimistes », conclut Laurent Fontaine.