FLAMES, un laboratoire commun pour étudier la résistance au feu des nacelles d’avion

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Un consortium composé de deux laboratoires normands - le GPM et le CORIA - et de la société Safran Nacelles a annoncé le 13 mai le lancement du laboratoire commun FLAMES (Fire Laboratory for Assembly, Metal and Composite Engineering & Safety). 

La certification feu, un enjeu clé pour la sécurité aéronautique


Le Groupe de Physique des Matériaux (GPM) et le COmplexe de Recherche Interprofessionnel en Aérothermochimie (CORIA) sont deux laboratoires sous tutelle du CNRS, de l’Université de Rouen Normandie et de l’INSA Rouen Normandie. Safran Nacelles, société du groupe Safran, est un leader mondial des nacelles d’avions sur le marché des avions commerciaux de plus de 100 places, les avions d’affaires et les avions régionaux. 

Avant d’être distribué, un nouveau modèle de nacelles doit passer un certain nombre de tests sous la supervision des autorités de certification. La résistance au feu en fait partie : le rôle de la nacelle est de contenir un incendie moteur pendant une durée suffisante pour que le feu soit éteint ou les passagers évacués.

Nicolas Tonnelier, responsable de l’équipe en charge des certifications thermique, givre et feu chez Safran Nacelles et directeur adjoint du laboratoire commun, souligne l’importance du sujet pour l’entreprise : « nous constatons une attention toujours plus forte des autorités sur la tenue au feu des nacelles. De plus, nous nous devons d’aller sans cesse plus loin dans la compréhension de ces phénomènes pour optimiser nos produits – à cela s’ajoute l’évolution technologique indispensable liée aux enjeux de décarbonation, aux transformations de la supply chain… »

Les chercheurs qui étudient la résistance au feu des matériaux composites utilisés dans l’aéronautique mentionnent également l’intérêt pour leurs disciplines. « Il y a une dizaine d’années, nous avons identifié qu’il y avait peu de travaux disponibles sur ces sujets », indique Benoît Vieille, professeur des universités à l’INSA Rouen Normandie, membre du GPM et directeur du laboratoire commun. « Avec le soutien de nos tutelles, nous avons déployé les moyens financiers et humains pour nous positionner à la pointe de ces thèmes. »

Émilien Varea, maître de conférences à l’Université de Rouen Normandie, membre du CORIA et directeur adjoint du laboratoire commun, confirme les défis scientifiques posés par l’étude de la réaction des matériaux à une agression thermique et le besoin de solutions innovantes. « Pour modéliser leur comportement, nous devons avoir accès aux températures de surface, ce qui est compliqué parce que les composés s’abîment et leur morphologie évolue. Il faut donc développer ou adapter des techniques pour mesurer dans des conditions critiques », explique-t-il. 

Une complémentarité d’expertises pour répondre à des problématiques industrielles et fondamentales


Les « work packages » du laboratoire commun ont été alloués à chacun des partenaires en fonction de leurs expertises respectives. 

Le premier axe, le plus industriel, est chapeauté par Safran Nacelles. Il consiste à mobiliser les bancs à échelle réduite et les moyens d’instrumentation disponibles au laboratoire pour tester des solutions techniques de protections et de matériaux innovants.

Le CORIA, laboratoire qui s’intéresse aux problématiques de thermique, mécanique des fluides et combustion, pilote les recherches sur l’amélioration de son banc d’essai feu, en intégrant l’aspect vibratoire. Ces travaux (et plus généralement ceux de FLAMES) sont également l’occasion de développer de nouveaux moyens d’instrumentation qui permettront de mieux comprendre les phénomènes physiques qui apparaissent au cours de l’essai.

Les derniers axes portent sur le couplage thermomécanique, c’est-à-dire la réponse mécanique des constituants de la nacelle (plaques et matériaux composites, boulons…) sous l’effet d’une agression thermique. Les recherches se déploieront aussi bien sur le banc d’essai du GPM, qui supervise ce volet, que sur des simulations numériques conçues dans le cadre du laboratoire commun. 

La structure de laboratoire commun va permettre de mutualiser les équipements et les compétences dans la réalisation de ces travaux et donc un gain d’efficacité global pour les trois partenaires.

© Benoit Vieille

Une collaboration qui s’inscrit dans le temps long


L’étincelle à l’origine du laboratoire commun a eu lieu il y a une dizaine d’années, lorsque Benoît Vieille a appris au cours d’une visite que son collègue du CORIA, Alexis Coppalle, réalisait des essais pour Safran Nacelles sur des matériaux composites qu’étudiait également le GPM. 

Plusieurs étapes intermédiaires ont précédé la création de FLAMES. Un stage de master a d’abord été mis en place, puis le projet « Décolle » financé par l’Institut Carnot ESP (Énergie et systèmes de propulsion), et le projet « Aéroflamme », financé par la Région Normandie et le FEDER. Plus récemment, une thèse CIFRE (2020 – 2023) menée par Clément Victor a porté, entre autres, sur la conception et l’instrumentation d’un banc d’essai intégrant une flamme kérosène. 

À présent docteur-ingénieur thermique et feu chez Safran Nacelles, Clément Victor suit encore le projet, et les trois partenaires soulignent l’intérêt pour le laboratoire commun de compter un interlocuteur qui fait l’interface entre les structures. Cela permet également de poursuivre les travaux entamés lors de la thèse, avec près de huit ans de continuité de recherche. 

Une échelle temporelle qui est très appréciée : « côté industriel, nous sommes souvent contraints par le court terme », signale Nicolas Tonnelier. « Il peut être difficile de dégager une vision sur le long terme qui est pourtant indispensable pour proposer les meilleurs produits à nos clients. Nous souhaitons associer nos besoins avec les travaux de long cycle permis par le monde académique. »

Le laboratoire commun a été conclu pour une durée de 4 ans, mais Benoît Vieille voit déjà plus loin : « nous sommes dans une transdisciplinarité parfaite, qui nous permet de couvrir de manière très large la thématique. Notre fil conducteur est de devenir un centre d’excellence sur la tenue au feu. »