RENNAT : un laboratoire commun unique en son genre pour étudier les arbres en ville et réduire la vulnérabilité du territoire face au changement climatique

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La nature en milieu urbain est soumise à de multiples stress, aggravés par les effets déjà sensibles du changement climatique. Comment mieux comprendre les mécanismes en jeu afin de proposer des réponses adaptées à l’échelle de la ville, avec l’objectif de réduire la vulnérabilité du territoire face à l’évolution du climat ? 

Une collaboration originale entre monde de la recherche et collectivité locale


Rennes Métropole et le laboratoire Littoral – Environnement – Télédétection – Géomatique (LETG, CNRS/Université Rennes 2) ont annoncé le 4 juillet le lancement du laboratoire commun RENNAT. Il s’agit du premier laboratoire impliquant les acteurs opérationnels d’une collectivité locale. Une intégration qui va permettre à RENNAT (acronyme de Rennes, Nature & Adaptation Territoriale) d’approfondir des recherches menées de longue date. 

Le LETG et Rennes Métropole travaillent en effet ensemble depuis 20 ans, notamment au travers de thèses CIFRE aux sujets variés (modélisation et suivi des îlots de chaleur urbains, cartographie de la végétation en milieu urbain, modélisation 3D des trames vertes pour préserver la biodiversité…). « Dans les projets précédents, le chercheur définissait une question de recherche, et on mettait cette recherche en œuvre sur le territoire en collaboration avec la direction des jardins », introduit Jean Nabucet, Ingénieur de recherche en sciences de l’information géographique au LETG. « Aujourd’hui, nous souhaitons co-construire la recherche avec la Métropole et ses services : cela nous permet de développer une approche bien plus intégrée », poursuit-il. 

La création du laboratoire commun rejoint les objectifs de la Métropole, dont les élus ont voté en septembre 2023 une stratégie pour l’enseignement supérieur et la recherche mettant en avant une recherche « impliquée » au service de la transition environnementale et sociale. « L’idée est de faire travailler ensemble toutes les parties prenantes pour faire converger à la fois l’excellence de la recherche et mieux appréhender les politiques publiques », explique Isabelle Pellerin, Vice-présidente chargée de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à la métropole de Rennes. 

Une approche pluridisciplinaire au service de la nature en ville


RENNAT s’organise autour de trois axes, tous dédiés à l’étude de la nature en ville et plus particulièrement de l’arbre sur le territoire métropolitain. Le premier, sur lequel l’équipe va se concentrer les deux premières années (sur les quatre prévues), concerne la connaissance du territoire par la production et la consolidation des données. Le deuxième porte sur la co-construction de communs digitaux et environnementaux, et le troisième traite de la formation, l’éducation et l’accompagnement des élus, des agents de la collectivité et des citoyens. 

Sur le plan thématique, de nombreux champs disciplinaires seront mobilisés. « On va de l’infiniment petit, avec la biologie moléculaire, pour atteindre l’échelle du paysage, avec la préfiguration des futurs satellites », indique Jean Nabucet. 

Le laboratoire commun peut aussi s’appuyer sur le réseau de recherche d’excellence déjà présent à Rennes, notamment via l’Observatoire des sciences de l’environnement de Rennes (OSERen). Ce dernier héberge les plateformes Ecolex, EcoChim et Condate Eau, qui proposent des outils bio-géo-chimiques. « Toutes les villes n’ont pas la chance d’être dotées de telles structures co-portées par le CNRS, cela nous donne une vraie force de frappe », salue Jean Nabucet. Il souligne également la dimension prospective et expérimentale du laboratoire commun, qui entend questionner le droit applicable aux arbres en milieu urbain, afin de réfléchir à un cadre juridique adapté. 

Une approche pluridisciplinaire et intégrée ambitieuse, à la hauteur des défis que rencontrent les arbres : la vague de chaleur de 2022 a bien montré leur vulnérabilité à ces nouvelles températures extrêmes qui pourraient devenir habituelles. « En tant qu’élus, nous voulons que Rennes demeure une ville verte, avec des îlots de fraîcheur. On ne peut pas se résigner à voir nos arbres mourir et ne rien faire », affirme Isabelle Pellerin. « On se doit donc d’anticiper l’évolution des espèces d’arbres en ville », ajoute-t-elle.

Collecte de feuilles d'un chêne d'Amérique situé sur un substrat laissant s'infiltrer l'eau, en ville, à Rennes 
© Jean-Claude MOSCHETTI / LETG / CNRS Images

La recherche comme guide pour adapter les pratiques publiques 


« La priorité du laboratoire commun est moins les moyens mis à disposition en termes d’infrastructures que de savoir-faire. Nous voulons construire ensemble notre capacité à utiliser les outils du territoire pour répondre aux enjeux », indique Jean Nabucet. Cela passe par l’accueil de chercheurs au sein des services de la direction des jardins ou de la direction de la donnée et de la transition écologique, et vice-versa. L’inauguration de RENNAT a ainsi été l’occasion de présenter le jumeau numérique, qui intègre, outre le bâti, des données déjà précises sur la végétation, et en particulier le patrimoine arboré, qui pourront être affinées et complétées dans le cadre du laboratoire commun.

Les agents de la collectivité sont mobilisés, par exemple les jardiniers qui sont sur le terrain et peuvent produire de la donnée. Mais pour des raisons logistiques, financières et d’impact carbone, il n’est pas envisageable d’équiper plusieurs centaines de personnes de matériel ad hoc. Une application est donc en cours de développement afin de collecter les informations sur les smartphones que les agents ont déjà sur eux. Un travail en collaboration qui ne serait pas possible sans l’intégration des services, et le soutien RH de la métropole. 

Jean Nabucet est formel : « notre objectif n’est pas de dire comment il faut faire, mais d’amener des outils permettant d’éclairer les choix qui seront faits par les paysagistes, les urbanistes et les conducteurs d’opérations de la ville. » Un soutien de la recherche à la prise de décision qu’apprécie Isabelle Pellerin. « Il peut être difficile de s’approprier les résultats de la recherche pour une collectivité. Avec le laboratoire commun, au contraire, nous avons la volonté politique de fragiliser le triangle de l’inaction, à savoir de ne plus travailler de manière cloisonnée avec les chercheurs, la collectivité publique, et les citoyens, s’attendant les uns les autres. »