Un guide pour accompagner l’expression publique des scientifiques du CNRS
Afin d’aider les personnels scientifiques qui le souhaitent dans leurs prises de parole médiatiques, le CNRS leur propose un guide de l’expression publique. Véritable boîte à outils, ce document s'appuie sur les recommandations du Comité d’éthique du CNRS et sur les attentes de nos communautés scientifiques exprimées à l’occasion d’une enquête réalisée en mars 2024.
Cinq ans après la pandémie, on se souvient encore de la profusion de fausses nouvelles scientifiques qui avaient agité l’opinion publique en pleine crise du Covid-19. Dans le concert médiatique, difficile de discerner la justesse d’une parole scientifique appuyée sur des faits dûment vérifiés. Or, comme le rappelle Antoine Petit, président-directeur général du CNRS : « En apportant des connaissances solides issues de la recherche, les scientifiques contribuent à la qualité du débat public. En diffusant celles-ci le plus largement et le plus clairement possible, ils combattent la désinformation, les idées fausses, les solutions simplistes et les théories du complot qui peuvent circuler dans les médias, notamment sur les réseaux sociaux ». Aussi incite-t-il les scientifiques à « diffuser dans la société les résultats et la démarche scientifiques, encourager la curiosité intellectuelle et accompagner le développement de la pensée critique ».
Un fort attachement à la liberté académique
Le PDG du premier organisme de recherche français rejoint ce faisant un avis de son Comité d’éthique (Comets). Publié en 2023, ce texte observait que « le développement des médias et des réseaux sociaux avait sensiblement renforcé l’exposition publique des chercheurs engagés ». Malgré cette exposition accrue, le Comets jugeait qu’« il n’y a pas d’incompatibilité de principe entre, d’un côté, l’engagement public du chercheur et, de l’autre, les normes attribuées ou effectivement applicables à l’activité de recherche » ; en d’autres termes, que les scientifiques ont le droit – mais non le devoir – de s’exprimer publiquement au sujet de leurs recherches. Néanmoins, pour d’une part prémunir les scientifiques des risques liés à l’exposition médiatique et, d’autre part, éviter la cacophonie du temps du Covid-19, la présidente du Comets, Christine Noiville, invitait à « construire collectivement un guide pratique de l’engagement ».
Ce besoin de s’appuyer sur un document de référence est largement plébiscité par les communautés scientifiques du CNRS, comme l’a mis en lumière une enquête interne inédite menée au printemps 2024. Les résultats, fruit d’une large mobilisation – un cinquième des 28 000 personnels scientifiques de l’institution ont répondu à l’enquête –, sont sans appel : 80 % des répondants considèrent prioritaire la réflexion du CNRS sur l’expression publique des scientifiques et 83 % estiment que cette dernière a des répercussions positives sur la société. L’enquête a révélé que l’attachement manifeste des scientifiques à leur liberté d’expression et à ses bienfaits pour la société ne se traduisait pas en pratique par une forte exposition médiatique : la moitié des sondés reconnaît ne jamais s’exprimer publiquement. Dans ces conditions, les sondés appellent vivement un soutien institutionnel, aussi bien pour les accompagner dans leur expression publique que pour les défendre en cas d’attaque – 15 % des sondés disent redouter la critique sur les réseaux sociaux, voire le cyberharcèlement –, de manière à prendre la parole plus sereinement et en toute responsabilité dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Une boîte à outils pratique
C’est dans cette optique que le CNRS a publié le 17 juin 2025 son premier guide de l’expression publique des scientifiques, amené à évoluer dans les années à venir. Fruit d’un travail d’un an et demi associant la direction de la communication, le conseil scientifique, le Comets, les déontologues, la direction des affaires juridiques et la direction des ressources humaines, ce document de synthèse se veut un instrument concret et pédagogique à destination des scientifiques qui souhaitent s’exprimer publiquement. À la différence d’une charte, le guide du CNRS ne vise pas l’encadrement de la parole de ses agents, mais représente plutôt une sorte de « boîte à outils » qui « doit aider tous les personnels du CNRS à trouver un juste équilibre entre la liberté d'expression des scientifiques, le devoir de rigueur qui s’impose à eux, la préservation de l'image de l'institution et la qualité du débat public », souligne Antoine Petit.
Les scientifiques désireux de s’exprimer publiquement pourront ainsi y retrouver des conseils sur les manières de prendre la parole dans la presse écrite ou audiovisuelle ou encore des façons de se protéger sur les réseaux sociaux.
Outre ces conseils pratiques, le guide rappelle le cadre règlementaire de l’expression publique des scientifiques. Leur exceptionnelle liberté d’expression, garantie par des lois et textes français comme européens, s’accompagne de quelques obligations légales et déontologiques que recense le guide. Surtout, le guide insiste sur la nécessité, comme l’écrivait le Comets dans son avis, de « situer » sa prise de parole médiatique, c’est-à-dire d’en préciser clairement à quel titre et sur quels faits on la fonde. En ce sens, les scientifiques doivent observer dans leur expression publique les mêmes règles d’éthique et d’intégrité qu’elles et ils appliquent dans leur travail de recherche.
« S’exprimer publiquement n’est ni simple, ni confortable. Ce n’est pas non plus une obligation, assure le PDG du CNRS. Mais si les scientifiques ne prennent pas leur place dans la construction du débat public, d’autres le feront, moins bien informés, moins rigoureux, éventuellement animés par d’autres motivations que le partage des savoirs scientifiquement acquis ».