Le CNRS lance un nouveau centre international de recherche avec l’université du Witwatersrand

Institutionnel

Le CNRS lance son septième Centre International de recherche, cette fois avec l’université du Witwatersrand en Afrique du Sud. Officialisé ce 28 novembre, il s’agit du premier sur le continent africain. Zeblon Vilazaki, Président de l’université du Witwatersrand, en expose les ambitions.

Le CNRS vient de créer son 7ème Centre International de recherche (International Research Center, IRC) avec l’université du Witwatersrand, un partenariat stratégique qui renforce les liens de l’organisme avec des universités de rang mondial.(1)  En quoi ce nouveau centre contribue-t-il à répondre aux défis majeurs du continent africain, souvent cité comme central pour le 21ème siècle ?

Zeblon Vilakazi1  : L’Afrique d’aujourd’hui est très jeune, proche au niveau démographique de l’Asie des années 1950. Les universités d’excellence jouent un rôle majeur : elles doivent inspirer cette jeunesse pour l’amener à créer des entreprises, de l’emploi et de la croissance. Nous avons besoin d’institutions solides pour que ces opportunités soient bien saisies d’ici 50 ou 70 ans. 

La stratégie actuelle de développement des technologies émergentes en Afrique, telles que l'IA ou le quantique, s'apparente au concept du « saut de grenouille », où les progrès se font par étapes successives visant à combler le retard accumulé. C'est précisément pour rester à la pointe de l’innovation que notre université a investi dans la création du Machine Intelligence and Neurodiscovery Institute (MIND), l’un des plus grands instituts d’IA africain. C’est aussi le cas avec l’institut Wits quantum, qui associe la recherche fondamentale, la formation et le développement d’applications industrielles autour des technologies quantiques. Ces initiatives contribuent à une belle ambition : faire entrer l’Afrique dans une nouvelle ère scientifique et industrielle.

Paradoxalement, l’IA consomme aussi beaucoup d’énergie. Un enjeu majeur est de se développer sans reproduire le modèle développé en Europe, aux États-Unis ou encore au Japon, qui a reposé sur la combustion de combustibles fossiles pendant un siècle. Nous hébergeons donc le Global Change Institute, le plus grand institut d’Afrique sur le changement climatique, en lien avec la recherche française.

Les enjeux de santé sont tout aussi vitaux pour le continent africain. Représentant 20 % de la population mondiale, l'Afrique fait face à des défis sanitaires majeurs, tels que la tuberculose, le paludisme et Ebola. Pourtant, elle ne contribue qu'à hauteur de 2 % à la recherche mondiale en santé. C'est pourquoi l'université de Wits a entrepris la construction de son campus Biohub, veritable écosystème de recherche et d'innovation qui rassemblera chercheurs, cliniciens et entrepreneurs.

Ces différents centres représentent autant d'opportunités pour renforcer nos collaborations avec le CNRS et ses partenaires IRC, afin de répondre à des défis mondiaux qui touchent l'Afrique, comme nous l’avons abordé lors de la table ronde One Health lors de l’événement Connecting Talents: Shaping the Future of Global Science.

  • 1 Président de l’université du Witwatersrand.
Zeblon Vilakazi est le Président de l'université du Witwatersrand.
Zeblon Vilakazi est le Président de l'université du Witwatersrand.©Université du Witwatersrand

Comment l’IRC CNRS-Wits contribue à votre stratégie internationale ?

Z.V. : Avec cet IRC, l'université affirme son rôle de moteur de la recherche en Afrique. Nous souhaitons que Wits, soit perçue comme une porte d’entrée vers l’Afrique. L’IRC a été conçu comme un hub national voire régional en Afrique, embarquant dans ses projets d’autres grandes universités d’Afrique australe et même du continent. L’IRC CNRS -Wits pourra s'appuyer sur nos partenariats existants et nos réseaux multilatéraux en Afrique, notamment les réseaux d’universités africaines ARUA

La collaboration CNRS-Wits est conçue comme une initiative mutuellement bénéfique. Nous avons à cœur de faire profiter notre Centre national d'excellence sud-africain en sciences mathématiques de l'excellente tradition française en la matière, particulièrement incarnée au CNRS.

Le réseau des IRC du CNRS ouvre également de nombreuses opportunités de collaborations, notamment des partenariats Sud-Sud, comme avec l'Université de São Paulo, qui héberge l'IRC Transitions en collaboration avec le CNRS. Wits et São Paulo partagent plusieurs similarités : deux grandes universités situées dans des mégalopoles du Sud global, caractérisées par une forte industrialisation et des inégalités marquées. 

Quelle est la position de l’Université du Witwatersrand au sein du continent africain et dans le monde ?

Z.V. : L’Université du Witwatersrand, située à Johannesburg, se distingue comme l’une des meilleures universités du continent africain, ayant accueilli quatre lauréats de prix Nobel, dont le prix Nobel de la paix décerné à Nelson Mandela. Son histoire va de pair avec le développement minier et l’industrialisation de l’Afrique du Sud, intensifiés à la fin du 19ème siècle avec la découverte d’or. L’université s’est peu à peu étoffée, complétant les sciences et technologies avec une formation d’excellence en droit, ou encore les sciences sociales et les humanités, dont la paléontologie et la paléoanthropologie. L’université de Wits figure aujourd’hui parmi les 300 meilleures universités mondiales.

Nos partenariats internationaux, largement orientés vers des institutions du Nord disposant de ressources plus importantes, contribuent à renforcer nos capacités et ouvrent de nouvelles perspectives de collaboration à l'échelle mondiale. J’ai moi-même travaillé avec le CNRS, en tant que chercheur au sein de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN). 

Enfin, Wits est une université résolument tournée vers l’international. L’aspect cosmopolite de la capitale Johannesburg, centre économique et industriel du continent, qui a cette année accueilli le G20, se reflète au sein de notre université : environ 10 % de nos étudiants viennent de l’étranger, principalement francophones, anglophones et lusophones.

Les piliers scientifiques de l’IRC « Share »

L’IRC « SHARE », pour « Science Hub for sustAinable Research », se construit autour de piliers scientifiques qui auront vocation à être connectés entre eux à travers des thématiques de recherche interdisciplinaires.

  • Mathématiques : L’IRC vise à fédérer un réseau de mathématiciens à l’échelle du continent et à créer un hub en mathématiques.
  • Physique : Wits s’intègre dans une dynamique déjà forte avec des universités sud-africaines au Cap, notamment au travers de l’IRN Pauline.
  • Paléosciences, Terre et Espace : Fort d’une collaboration historique de plus de 80 ans entre le CNRS et Wits, ce pilier vise à développer des approches interdisciplinaires associant histoire de l’espace, histoire de la Terre et histoire de l’Homme.
  • Environnement : Climat, écologie, biodiversité, ressources… Le but est de mener des projets interdisciplinaires impliquant d’autres universités africaines, enrichissant les approches.

L'IRC SHARE est une réalisation majeure du Plan pluriannuel de coopérations avec l’Afrique du CNRS, dans le cadre duquel l’organisme a financé plus de 60 projets au cours des 3 dernières années.