Aux maths citoyennes, citoyens ! Consultation nationale sur la place des mathématiques dans la société : le CNRS présente ses résultats
Pour la première fois, le CNRS a donné la parole aux citoyennes et citoyens sur leur rapport aux mathématiques. Lancée le 10 mars 2025, cette consultation nationale a interrogé la place des mathématiques dans la société et a ainsi pu identifier plusieurs leviers afin d’en favoriser la compréhension et l’accès. Cette initiative du CNRS s’inscrit dans le prolongement des Assises des mathématiques (2022) et contribue à la réflexion nationale sur l’accès aux mathématiques à tout le monde et à tout âge.
Entre mars et juillet 2025, plus de 33 000 personnes ont participé à une consultation en ligne, complétée par 40 ateliers organisés sur tout le territoire et deux panels de citoyennes et citoyens. Ces derniers ont rassemblé pendant 6 jours, 46 personnes non expertes autour d’une question «Comment améliorer l’accès aux mathématiques à toutes et à tous et à tout âge ?».
La consultation a ainsi permis de mieux comprendre les attentes, les besoins et les freins liés à la pratique et à l’apprentissage des mathématiques. Au total, plus d’un million de contributions pour plus de 33 000 répondants ont été recueillies, faisant de cette initiative l’une des démarches participatives les plus étendues jamais conduites par le CNRS.
Les mathématiques vues par les citoyennes et citoyens.
Un rapport personnel et émotionnel aux mathématiques
Fierté, honte, peur, anxiété ou encore sentiment d’exclusion sont les principaux mots utilisés par les différents participants pour exprimer leur rapport à cette discipline. La consultation note que l’expérience scolaire apparaît comme un facteur déterminant dans le rapport aux mathématiques : 70% des personnes participantes considèrent ces dernières comme une matière sélective dès l’école, souvent perçue comme exigeante ou rigide. Beaucoup citent des souvenirs précis : «on ne m’a jamais appris à apprendre», ou encore «en maths, on n’avait pas le droit à l’erreur». D’autres témoignages évoquent même des manifestations d’anxiété lors de passages au tableau ou d’exercices chronométrés.
Pour autant, les répondants peu à l’aise confirment l’importance des mathématiques dans la vie quotidienne. Ils sont en effet 67% à les considérer essentielles mais leur manque d’aisance entraine des situations contraignantes : «je passe à côté d’erreurs sur mon salaire parce que je ne suis pas à l’aise avec les chiffres.», ou encore «je préfère perdre de l’argent plutôt que de vérifier un ticket trop compliqué».
Cette perception s’accompagne, pour 40% d’entre elles, d’une volonté de reprendre l’apprentissage des mathématiques à l’âge adulte. De nombreux témoignages confirment ce souhait : «maintenant que j’ai compris que j’utilisais des maths sans le savoir, j’ai envie de m’y remettre» ou «j’aimerais trouver un endroit où refaire des maths sans pression».
Les mathématiques, un bien commun encore inégalement partagé
Si les mathématiques sont perçues comme un levier d’émancipation et d’innovation, elles restent marquées par de fortes inégalités sociales, territoriales et de genre : «Les mathématiques sont un critère de tri scolaire et social». 76% des personnes participantes constatent des discriminations dans ce domaine. 26% des femmes assurent ne pas être à l’aise en mathématiques. A l’inverse, seulement 10% des hommes déclarent manquer d’aisance dans cette discipline. Une discrimination qui se retrouve également dans le parcours scolaire, puisque la discipline est parfois perçue comme davantage accessible dans les établissements disposant de plus de ressources éducatives ou d’un encadrement renforcé : «grandir en milieu modeste, c’est sentir que certaines filières ne sont pas faites pour toi». Les panels soulignent également la variabilité de l’accès aux ressources éducative, en fonction des territoires : établissements mieux encadrés dans les quartiers favorisés, éloignement des services périscolaires en zones rurales ou encore lieux de médiation plus accessibles en ville qu’en milieu rural.
Une curiosité forte pour la recherche et la culture scientifique
Au-delà de ces constats, 79% des répondantes et répondants à la consultation soulignent le rôle central et nécessaire des mathématiques dans le développement scientifique, économique et démocratique du pays et 90% reconnaissent le rôle moteur de cette discipline dans l’innovation. Les personnes participantes jugent la recherche en mathématique indispensable pour relever les défis environnementaux, technologiques et démocratiques.
« Les mathématiques sont un bien commun. Cette consultation confirme leur rôle central dans la société et la nécessité d’en favoriser l’accès à toutes et à tous. » Christophe Besse, directeur de CNRS Mathématiques
La démarche met également en avant le souhait d’une meilleure compréhension de cette recherche et de ses applications. Près de 45% des personnes participantes ont adressé des questions aux scientifiques, témoignant d’un intérêt marqué pour leurs travaux, leurs parcours et l’utilité concrète des mathématiques. Plusieurs d’entre elles soulignent également un manque de visibilité : «On ne voit pas assez comment les maths servent à résoudre des problèmes concrets».
Ce résultat s’accompagne d’un souhait de formats plus accessibles, de rencontres avec les scientifiques, d’exemples pratiques pour apprivoiser les mathématiques à l’âge adulte : «J’aimerais qu’on montre les maths dans la vraie vie» ou «On ne sait pas où aller pour comprendre les maths autrement qu’à l’école».
Les citoyennes et citoyens expriment également le souhait de développer une véritable culture mathématique, mieux partagée dans la société.
Les propositions du CNRS pour une plus grande place des mathématiques dans la société
À travers cette démarche, le CNRS souhaite poursuivre le dialogue engagé avec la société depuis les Assises des mathématiques de 2022 et répondre aux attentes exprimées dans la consultation. Les enseignements recueillis invitent à réfléchir à des actions autour de trois orientations prioritaires :
Désacraliser les mathématiques et les personnes qui en font
Le CNRS souhaite rendre les mathématiques plus accessibles, pour tous les profils et tous les parcours scolaires et professionnels. L’organisme se donne pour objectifs de renforcer la confiance, de proposer des points d’entrée variés et d’offrir des opportunités pour renouer avec les mathématiques à tout âge, notamment à travers des dispositifs de formation pour adultes.
Améliorer l’inclusion
Le CNRS entend soutenir des actions qui réduisent les inégalités de genre, sociales et territoriales en mathématiques en agissant sur les représentations, en favorisant la participation des femmes et des publics éloignés, tout en valorisant un accès équitable aux apprentissages. Le tout en s’associant aux acteurs éducatifs pour garantir un socle mathématique solide jusqu’au baccalauréat.
Développer une véritable culture mathématique
Le CNRS compte également renforcer la place des mathématiques dans la société en soutenant davantage la médiation, en rendant la recherche plus visible et plus lisible, et en encourageant les initiatives culturelles et de vulgarisation. L’objectif est de multiplier les rencontres entre les scientifiques de la discipline et le grand public, dans des formats accessibles et ludiques afin de mieux faire connaître la diversité de ses usages.
Pour le CNRS, ces orientations s’inscrivent dans une vision plus large de l’accès aux mathématiques comme enjeu collectif.
* Il est important de noter que les personnes répondantes au questionnaire ne constituent pas un échantillon représentatif de la population (surreprésentation des cadres, 71 % se déclarant à l’aise). Les résultats ne doivent donc pas être interprétés comme un sondage d’opinion.
Consultez les résultats détaillés de la consultation nationale