Domestication animale : une mutation clef derrière la mobilité à cheval identifiée

Paris,
Vivant

Les scientifiques savaient déjà que la domestication du cheval avait débuté au cours du troisième millénaire avant notre ère. En revanche, la nature exacte des modifications génétiques ayant transformé cet animal en un vecteur de mobilité pour les humains restait mystérieuse. Une nouvelle étude scientifique, menée par des chercheuses et chercheurs du CNRS 1  en collaboration avec des équipes suisses et chinoises, apporte aujourd’hui un élément clef de compréhension : l’identification d’une modification génétique décisive à l’origine de la mobilité équestre. Ces résultats sont à retrouver le 28 août dans la revue Science.

  • 11 – Travaillant au Centre d’anthropologie et de génomique de Toulouse (CNRS/Université de Toulouse).

Pour percer ce mystère, les scientifiques ont passé en revue 262 mutations génétiques connues pour influencer la biologie du cheval, à la recherche de traces de sélection liées aux choix opérés par les premiers éleveurs. Ils ont ainsi découvert qu’une mutation jusque-là très rare était devenue soudainement très fréquente au moment même de la domestication, juste avant que le cheval ne quitte son berceau des steppes du Caucase pour conquérir l’ensemble de l’Eurasie 1 . Cette modification affecte l’expression du gène Gasdermin C (GSDMC), présent chez tous les mammifères.

Les scientifiques ont étudié les effets de cette mutation sur les chevaux ainsi que chez la souris, qui servait ici d’organisme modèle. Ils ont établi qu’une modification du gène GSDMC pouvait changer l’anatomie de l’équidé et entraînait chez la souris le développement d’une colonne vertébrale plus plate ainsi que l’apparition d’une meilleure coordination motrice. Selon les auteurs, la sélection d’une modification du gène GSDMC par les premiers éleveurs aurait donc facilité la monte et le déplacement à cheval, ce qui a joué un rôle décisif dans l’émergence de la mobilité équestre et des civilisations cavalières. 

L’étude met également en lumière treize autres mutations sélectionnées à différentes périodes de l’histoire. L’une d’entre elles aurait par exemple influé sur le comportement de l’animal, le rendant probablement plus docile et réceptif à l’interaction humaine. D’autres auraient contribué à accroître sa taille, dès l’Âge du fer, puis tout au long de l’Antiquité et du Moyen Âge. Si de nombreuses mutations sélectionnées sont encore à éclairicir, ces découvertes enrichissent notre compréhension des transformations génétiques majeures qui ont accompagné la domestication du cheval et forgé la relation unique qui l’unit aux humains.

  • 12 – Les anciens travaux des scientifiques du Centre d'anthropobiologie et de génomique de Toulouse portaient notamment sur les migrations des chevaux dans le monde ainsi que l’origine des chevaux domestiques. Ils ont à ce titre séquencé le génome de centaines de chevaux anciens à partir de restes archéologiques, faisant du cheval le modèle qui est, après l’Homme, le plus documenté par des données paléo-génétiques. Grâce à ces données, ils ont pu retracer la trajectoire temporelle des mutations étudiées et découvrir celle qui a accompagné la domestication du cheval à ses débuts.
Bibliographie

Selection at the GSDMC locus in horses and its implications for human mobility. Xuexue Liu, Yaozhen Jia, Jianfei Pan, Yanli Zhang, Ying Gong, Xintong Wang, Yuehui Ma, Nadir Alvarez, Lin Jiang, Ludovic Orlando. Science, 28 août 2025.
DOI : 10.1126/science.adp4581

 

Contact

Ludovic Orlando
Paléogénomique
Estelle Torgue
Attachée de presse CNRS