Médaille de l’innovation 2025 : le CNRS révèle ses quatre talents au cœur des avancées de demain
La médaille de l’innovation 2025 du CNRS est décernée à la linguiste Alda Mari, le biologiste Aziz Moqrich, la physicienne Pascale Senellart et le chimiste Alain Wagner. Chaque année, depuis 2011, le CNRS récompense des scientifiques qui, grâce à leurs recherches, engendrent des innovations qui répondent à des enjeux de la société, sur le plan technologique, économique, thérapeutique et social.
Cette distinction est remise aux quatre lauréats et lauréates par Antoine Petit le 17 décembre 2025, à la Maison de la chimie.
Les parcours des quatre lauréats et lauréates de la médaille de l'innovation 2025 du CNRS illustrent l’excellence et la variété des recherches conduites au CNRS et le rôle primordial que joue la recherche fondamentale dans le développement de technologies de rupture.
« Nous sommes très heureux de décerner la médaille de l’innovation 2025 à quatre scientifiques CNRS d’exception, également entrepreneurs. Dans des domaines aussi variés que la chimie, la biologie, le quantique et de la sémantique, ils ont brillamment su transformer leurs découvertes en innovations concrètes au service de la société. Leur trajectoire inspire l’ensemble de notre communauté, et illustre combien la valorisation et le transfert de la recherche vers le monde socio-économique peuvent être un véritable moteur de progrès. Cette distinction salue à la fois leur engagement et leurs réalisations », déclare Mehdi Gmar, directeur général délégué à l’innovation du CNRS.
Alda Mari : Détecter l’urgence sur les réseaux sociaux
Directrice de recherche CNRS à l’Institut Jean Nicod (CNRS/EHESS/ENS-PSL), Alda Mari est spécialiste de sémantique formelle. Forte d’une double formation en lettres classiques (grec, latin, sanskrit) et en linguistique computationnelle, elle s’intéresse depuis près de quinze ans à la distinction entre vérité subjective et vérité objective et plus particulièrement à l’expression des biais et des croyances dans les situations d’incertitude. Ses travaux sont à l’origine du programme phare Phronesis qui contribue au développement du laboratoire de recherche international HumanitiesPlus (CNRS/Université de Chicago) en 2024. À partir de 2017, Alda Mari déploie ces résultats théoriques autour des états mentaux et leur expression linguistique dans ses recherches en IA hybride. Elle a notamment mis au point une nouvelle méthodologie permettant d'identifier et classer les informations urgentes lors de crises écologiques sur les réseaux sociaux. Celle-ci a été implémentée dans le logiciel INTACT (Detecting Intentions, Predicting Actions), une technologie développée en collaboration avec l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (CNRS/Toulouse INP/Université de Toulouse EPE) et soutenue par le ministère de l’Intérieur. Basée sur une modélisation linguistique incluant une prise en compte complète des énonciations, INTACT offre un fort potentiel d'application à d’autres types de crises, notamment les crises informationnelles qu’Alda Mari étudie actuellement.
Aziz Moqrich : Percer les secrets de la douleur chronique
Pourrait-on voir émerger un jour des traitements contre la douleur à la fois efficaces et dénués d’effets secondaires graves ? À partir de ses travaux de recherche sur la compréhension des mécanismes de la douleur, Aziz Moqrich, directeur de recherche CNRS à l’Institut de biologie du développement de Marseille (Aix-Marseille Université/CNRS) s’est ensuite orienté vers cette question. Afin de développer une alternative aux opioïdes, qui restent les molécules les plus efficaces pour traiter la douleur, le chercheur s’est lancé sur une piste : celle de la protéine TAFA4. Cette molécule, qu’il a identifiée en 2007, constitue l’un des éléments clés du système nerveux périphérique. Aziz Moqrich a co-fondé en 2020 la start-up Tafalgie Therapeutics, afin de développer un nouvel antidouleur basé sur les dérivés peptidique de TAFA4. Les premières données issues des essais cliniques chez des volontaires sains montrent un excellent profil de sécurité, ce qui permet désormais de lancer les premiers essais chez des patients chirurgicaux afin d’évaluer l’effet antalgique de ces peptides. Les premiers résultats sont attendus dans le courant de l’année 2026.
Pascale Senellart : Sur la route de l’ordinateur quantique
Dans le cadre de ses travaux, Pascale Senellart, directrice de recherche CNRS au Centre de nanosciences et de nanotechnologies (CNRS/Université Paris-Saclay), étudie les photons, entités quantiques élémentaires qui composent la lumière, ainsi que les « boites quantiques », des nanostructures capables de les générer à la demande. En contrôlant l’émission des boites quantiques, elle et son équipe ont conçu dès 2013 de nouvelles sources qui émettent des photons uniques dans une direction précise de manière très efficace, permettant ainsi leur manipulation dans des circuits photoniques. Ses travaux et les innovations qui en découlent, ont ouvert la voie à l’utilisation des photons pour le calcul quantique, l’un des quatre piliers des technologies quantiques. En effet, les photons sont des systèmes de choix lorsqu’il s’agit d'encoder des bits quantiques -ou qubits-, les ressources de base des calculateurs quantiques. Afin de mettre à disposition de la communauté les sources de photons uniques qu’ils ont développées, la chercheuse et deux de ses collègues, Niccolo Somaschi et Valérian Giesz, ont fondé la start-up Quandela en 2017. Depuis 2020, Quandela a pris un nouveau virage : construire un véritable ordinateur quantique photonique, en développant conjointement les parties hardware et software. Quandela a livré Lucy, l'ordinateur quantique photonique en centre de calcul le plus puissant à ce jour, au CEA en 2024.
Alain Wagner : La chimie au service du vivant
Alain Wagner, directeur de recherche CNRS au sein du laboratoire Chémo-biologie synthétique et thérapeutique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg), développe de nouvelles approches afin de mieux comprendre et de modifier les systèmes biologiques. Avec l’équipe « Chimie bio-fonctionnelle » qu’il co-dirige, il s’intéresse notamment depuis 2010 aux conjugués anticorps-médicaments (ADC), des vecteurs qui permettent de détruire les cellules cancéreuses et d’augmenter l’espérance de vie des patients. Pour transférer ces résultats de recherche vers le monde industriel, Alain Wagner a co-fondé en 2014 Syndivia, une start-up de biotechnologie qui développe des ADC mieux tolérés, avec moins d’effets secondaires. Il est également à l’origine de la création de la start-up NovAliX, fondée en 2002 et spécialisée dans la découverte de nouveaux médicaments, et de Phytodia, créée en 2007, qui développe des ingrédients végétaux pour les compléments alimentaires et les cosmétiques. Plus récemment, il a co-fondé MicroOmix, une start-up qui analyse les anticorps sécrétés par chaque cellule. De quoi ouvrir notamment la voie au développement de nouvelles thérapies basées sur les anticorps.